Examen du post-tribulationnisme

Dernière mise à jour: 25 décembre 2025Eschatologie

Examen du post‑tribulationnisme

1. Introduction

Le post‑tribulationnisme est l’une des principales positions évangéliques concernant le moment de l’Enlèvement de l’Église. Il enseigne que l’Église traversera entièrement la Tribulation future et que l’Enlèvement a lieu à la fin de cette période, en pratique de manière simultanée avec le Second Avènement visible et glorieux de Christ.

Cet article va (1) définir et résumer de manière équitable l’enseignement du post‑tribulationnisme sur l’Enlèvement, puis (2) en examiner les difficultés bibliques et théologiques – en particulier les questions de savoir qui peuplera le royaume millénaire et comment la venue de Christ peut être imminente si des signes prophétiques doivent nécessairement survenir au préalable.

Tout au long de cette étude, nous distinguerons l’Enlèvement (l’enlèvement et la transformation des saints) du Second Avènement (la descente de Christ sur la terre pour juger et établir son royaume), même si le post‑tribulationnisme tend à fusionner ces deux réalités en un seul et même événement.


2. Le point de vue post‑tribulationniste sur l’Enlèvement défini

2.1 Thèse centrale

Le post‑tribulationnisme (souvent appelé « prémillénarisme historique » dans sa forme moderne) affirme que :

  • L’Église traversera toute la Tribulation future (la soixante‑dixième semaine de Daniel).
  • L’Enlèvement et le Second Avènement constituent un seul événement complexe à la fin de cette Tribulation.
  • Tous les saints de toutes les époques sont ressuscités et transformés à ce moment‑là (en s’appuyant souvent sur Apocalypse 20.4–6).
  • Les “élus” dans les passages relatifs à la Tribulation (par ex. Matthieu 24.31) sont l’Église.

Dans cette perspective, la séquence est la suivante :

  1. L’Église passe par la Tribulation.
  2. Christ apparaît en gloire à la fin.
  3. Les morts en Christ ressuscitent et les croyants vivants sont enlevés (Enlèvement).
  4. Immédiatement, Christ descend sur la terre avec les siens et établit le royaume millénaire.

2.2 Principaux arguments avancés

Les post‑tribulationnistes font généralement appel à plusieurs lignes d’argumentation :

  1. Unité du peuple de Dieu.
    Ils soutiennent qu’il n’existe qu’un seul grand peuple de Dieu – « les élus » – de sorte que les élus dans la Tribulation (par ex. Matthieu 24.22, 31) doivent être l’Église.

  2. 2 Thessaloniciens 2 et les signes avant la “venue”.
    Paul parle de l’apostasie et de la révélation de « l’homme du péché » avant le Jour du Seigneur (2 Thessaloniciens 2.1–4), ce qui implique, pour les post‑tribulationnistes, que l’Église verra l’Antichrist et doit donc être présente durant la Tribulation.

  3. La “rencontre” du Seigneur dans les airs (1 Thessaloniciens 4.17).
    Le terme grec apantēsis (« aller à la rencontre de ») est parfois interprété comme l’accueil d’un dignitaire que l’on va chercher pour l’escorter ensuite dans la ville ; ainsi, les saints rencontrent Christ dans les airs et reviennent aussitôt sur terre avec Lui.

  4. La “dernière trompette”.
    La trompette de 1 Corinthiens 15.52 et de 1 Thessaloniciens 4.16 est parfois associée à la trompette post‑tribulationniste de Matthieu 24.31 ou à la septième trompette de Apocalypse 11.15, suggérant un unique événement situé à la fin de la Tribulation.

  5. Argument historique.
    Certains affirment que la majorité des premiers écrivains chrétiens n’enseignaient pas un Enlèvement pré‑tribulationniste, et que, par conséquent, la position « historique » serait le post‑tribulationnisme.

Le post‑tribulationnisme a raison d’insister sur le fait que les croyants doivent s’attendre à la souffrance et à la tribulation dans le présent siècle (Jean 16.33 ; Actes 14.22). Mais la question cruciale est de savoir si l’Église est destinée à subir la colère eschatologique spécifique et les jugements du futur Jour du Seigneur, et si l’Écriture fusionne réellement l’Enlèvement et le Second Avènement en un seul événement indifférencié.


3. Distinctions bibliques entre l’Enlèvement et le Second Avènement

Une question clé dans l’évaluation du post‑tribulationnisme est de savoir si le Nouveau Testament distingue l’Enlèvement du Second Avènement.

3.1 Caractéristiques contrastées

Lorsque nous comparons les passages classiques sur l’Enlèvement (Jean 14.1–3 ; 1 Thessaloniciens 4.13–18 ; 1 Corinthiens 15.51–52) avec les passages classiques sur le Second Avènement (Matthieu 24–25 ; Zacharie 14 ; Apocalypse 19.11–21), des contrastes notables apparaissent :

AspectPassages sur l’EnlèvementPassages sur le Second Avènement
DirectionChrist vient dans les airs, les croyants montent à sa rencontre (1 Th 4.17).Christ vient sur la terre, ses pieds se posent sur le mont des Oliviers (Za 14.4).
ButRecevoir son Épouse et l’emmener dans la maison du Père (Jn 14.3).Juger les nations et établir son royaume terrestre (Mt 25.31–32 ; Ap 19.15).
ParticipantsConcerne les saints de l’Église seulement (« les morts en Christ… nous les vivants », 1 Th 4.16–17).Concerne toutes les nations, sauvées et perdues (Mt 25.31–46).
Jugement vs. consolationAccent sur la consolation et l’espérance (1 Th 4.18).Accent sur la colère, la destruction et la séparation (2 Th 1.7–10 ; Ap 19.15).
TransformationLes croyants sont transformés et enlevés (1 Co 15.51–52 ; 1 Th 4.17).Pas de translation ; les croyants vivants héritent du royaume dans des corps naturels (Mt 25.34 ; Es 65.20–23).
Absence de signes préalablesPrésenté comme imminent, sans événements prophétiques intermédiaires nécessaires (1 Th 1.10 ; Tite 2.13).Précédé de signes prophétiques clairs (Mt 24.15–30 ; 2 Th 2.3–4).

Une similitude de vocabulaire (par ex. parousia, « venue ») ne prouve pas l’identité des événements ; ces termes peuvent décrire des phases distinctes de la grande venue de Christ.

3.2 Implications exégétiques

Si l’Enlèvement et le Second Avènement sont identiques et se produisent à la fin de la Tribulation – comme l’affirme le post‑tribulationnisme – plusieurs difficultés apparaissent :

  • La translation et la transformation des croyants de 1 Thessaloniciens 4 doivent être compressées dans le même moment que la descente de Christ sur la terre en Apocalypse 19, où il n’est même pas fait mention d’une résurrection ni d’un Enlèvement.
  • Le voyage promis vers la maison du Père (Jean 14.2–3) est pratiquement évacué : les croyants rencontreraient Christ dans les airs seulement pour faire immédiatement demi‑tour vers la terre, sans jamais expérimenter ce qu’Il a décrit comme le fait d’aller « là où je suis ».
  • L’Enlèvement perd son caractère distinct de bienheureuse espérance et de consolation, puisqu’il serait nécessairement précédé par les horreurs sans précédent du Jour du Seigneur.

En revanche, comprendre l’Enlèvement comme un enlèvement préalable de l’Église, suivi plus tard de la descente publique de Christ sur la terre pour le jugement, permet d’harmoniser les données du Nouveau Testament sans aplatir les différentes étapes de son retour.


4. Qui peuplera le Millénium dans un schéma post‑tribulationniste ?

L’un des défis théologiques les plus sérieux pour le post‑tribulationnisme concerne la question de qui entre et peuple le royaume millénaire.

4.1 La population du Millénium selon l’Écriture

Les prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament indiquent que :

  • Le Millénium commence avec des mortels sur la terre, dans des corps naturels, non glorifiés, qui :
    • bâtissent des maisons et plantent des vignes (Ésaïe 65.21–22) ;
    • ont des enfants et élèvent des familles (Ésaïe 65.20–23) ;
    • peuvent encore pécher, et certains se révoltent à la fin des mille ans (Apocalypse 20.7–9).

De plus :

  • Au Second Avènement, Christ exerce des jugements qui séparent les croyants des incroyants parmi Israël et parmi les nations païennes :
    • Le jugement d’Israël dans le désert (Ézéchiel 20.33–38).
    • Le jugement des brebis et des boucs pour les nations (Matthieu 25.31–46).

Dans les deux cas, les incroyants sont retranchés dans le jugement, tandis que les croyants – encore dans des corps naturels – entrent dans le royaume.

4.2 Le dilemme post‑tribulationniste

Si, comme l’affirme le post‑tribulationnisme :

  • À la fin de la Tribulation, tous les croyants de l’Église, vivants et morts, sont glorifiés et enlevés, et
  • Tous les incroyants sont jugés et retranchés avant le début du Millénium,

alors une question cruciale se pose :

Qui reste en corps mortels pour entrer et peupler le Millénium ?

Dans un schéma strictement post‑tribulationniste, il en résulte :

  • Aucun croyant non glorifié (tous ont été transformés, 1 Co 15.51–52) ;
  • Aucun incroyant (tous ont été écartés dans le jugement : Mt 25.41–46 ; Éz 20.38).

Or les prophéties millénaires exigent précisément l’existence d’un tel groupe : des survivants croyants en corps naturels, capables de se marier, d’avoir des enfants, et parmi les descendants desquels une révolte finale éclate à la fin des mille ans.

Diverses propositions post‑tribulationnistes – par exemple l’idée que les 144 000 Juifs scellés ou certains païens épargnés entreraient dans le Millénium comme incroyants puis seraient convertis – se heurtent à l’enseignement explicite selon lequel tous les rebelles non rachetés sont purgés avant l’instauration du royaume (par ex. « J’exclurai du milieu de vous les rebelles », Éz 20.38 ; « Ceux‑ci s’en iront au châtiment éternel », Mt 25.46).

L’Enlèvement pré‑tribulationniste, en revanche, s’accorde harmonieusement avec ces données :

  1. L’Église est enlevée et glorifiée avant la Tribulation.
  2. Durant la Tribulation, de grandes multitudes – Juifs et païens – viennent à la foi et survivent physiquement.
  3. Ces saints de la Tribulation, toujours dans des corps naturels, sont ceux qui passent au travers des jugements de la fin des temps et entrent dans le Millénium, formant la population initiale du royaume terrestre de Christ.

5. L’imminence et la nécessité des signes dans le post‑tribulationnisme

L’Écriture présente à plusieurs reprises la venue du Seigneur pour les siens comme un événement que les croyants doivent attendre à tout moment :

  • « …attendant des cieux son Fils » (1 Thessaloniciens 1.10).
  • « …tandis que vous attendez la révélation de notre Seigneur Jésus‑Christ » (1 Corinthiens 1.7).
  • « Le Seigneur est proche » (Philippiens 4.5).
  • «…en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus‑Christ » (Tite 2.13).
  • « Voici, le juge est à la porte » (Jacques 5.9).
  • « Oui, je viens bientôt » (Apocalypse 22.20).

Cette doctrine de l’imminence ne signifie pas que Christ doit venir « bientôt » au sens humain du terme, mais qu’aucun événement prophétique annoncé ne doit nécessairement s’interposer avant qu’Il puisse venir pour son Église.

5.1 La perte de l’imminence dans le post‑tribulationnisme

Par définition, le post‑tribulationnisme nie l’imminence :

  • Avant que Christ ne puisse enlever son Église, selon ce point de vue, les événements suivants doivent survenir :
    • L’apostasie et la révélation de l’homme de l’iniquité (2 Thessaloniciens 2.3–4).
    • L’abomination de la désolation dans le temple (Matthieu 24.15).
    • La grande Tribulation avec ses jugements sans précédent (Matthieu 24.21 ; Apocalypse 6–18).
    • Les signes cosmiques visibles qui précèdent immédiatement son apparition (Matthieu 24.29–30).

Dans le schéma post‑tribulationniste, les croyants ne peuvent pas honnêtement dire « peut‑être aujourd’hui », mais doivent dire « pas avant la fin de la Tribulation ».

Les exhortations répétées du Nouveau Testament à veiller, attendre et être prêts pour une venue de Christ à tout moment sont fortement atténuées si cette venue ne peut avoir lieu qu’après les plus grands événements prophétiques de l’histoire, visibles par tous.

5.2 Redéfinir « l’imminence » comme simple attente générale

Certains post‑tribulationnistes tentent de redéfinir l’imminence comme une attitude générale d’attente : les croyants devraient attendre Christ « à n’importe quelle génération », mais non nécessairement « à n’importe quel moment ». Pourtant, le langage des passages concernés (« Vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra », Matthieu 24.42 ; « C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra », Matthieu 24.44) s’accorde beaucoup mieux avec une venue sans signes préalables, toujours possible, qu’avec un événement verrouillé à la fin d’une période de sept ans clairement délimitée et marquée par des signes mondiaux spectaculaires.

Une distinction entre un Enlèvement préalable de l’Église et le Second Avènement ultérieur, chargé de signes, préserve à la fois la bienheureuse espérance imminente des croyants et la cohérence du calendrier prophétique.


6. Autres considérations exégétiques

6.1 2 Thessaloniciens 2 revisité

Les post‑tribulationnistes soutiennent souvent que 2 Thessaloniciens 2.1–4 enseigne que l’Enlèvement ne peut pas avoir lieu avant l’apostasie et la révélation de l’homme du péché. Cependant, une lecture attentive montre que l’objectif de Paul n’est pas de donner une liste d’événements qui doivent précéder l’Enlèvement, mais plutôt de rassurer les Thessaloniciens qu’ils n’ont pas manqué le Jour du Seigneur.

  • Certains étaient troublés par le faux enseignement selon lequel « le jour du Seigneur serait déjà là » (2 Thessaloniciens 2.2).
  • Paul répond en expliquant que le Jour du Seigneur sera caractérisé par des développements hautement visibles – l’apostasie et l’homme du péché – qui ne s’étaient pas encore produits.
  • Par conséquent, ils n’étaient pas dans le Jour du Seigneur et, puisqu’ils étaient encore sur la terre, ils n’avaient pas été enlevés auparavant.

Autrement dit, l’absence de ces phénomènes prouvait que le Jour du Seigneur n’était pas arrivé, et non que l’Enlèvement devait attendre leur accomplissement.

6.2 La « rencontre » (apantēsis) de 1 Thessaloniciens 4.17

Les post‑tribulationnistes affirment que apantēsis implique que les croyants rencontrent Christ dans les airs pour l’escorter aussitôt de retour sur la terre. Pourtant :

  • Le terme apantēsis en grec n’implique pas en soi un retour immédiat au point de départ ; il désigne simplement une rencontre (cf. Actes 28.15 ; Jean 4.51).
  • Dans Jean 14.3, Christ promet « afin que là où je suis vous y soyez aussi », avec une référence claire à la maison du Père dans le ciel.
  • Le texte de 1 Thessaloniciens 4 lui‑même met l’accent sur le but d’être “toujours avec le Seigneur”, non sur les détails logistiques d’une descente immédiate.

Exiger que le mot apantēsis comprime tout l’événement en un seul mouvement de montée‑descente méconnaît à la fois la flexibilité lexicale et l’enseignement plus large du contexte.


7. Conclusion

Le désir du post‑tribulationnisme de prendre au sérieux la réalité de la tribulation et de la persécution pour les croyants est louable ; l’Écriture ne promet pas à l’Église une exemption de la souffrance dans le présent siècle. Toutefois, lorsque le post‑tribulationnisme est confronté à l’ensemble des données bibliques concernant l’Enlèvement, le Jour du Seigneur et le Second Avènement, des difficultés majeures apparaissent :

  • Il peine à expliquer qui peuplera le royaume millénaire dans des corps naturels si tous les croyants sont glorifiés et tous les incroyants sont retranchés à la fin de la Tribulation.
  • Il abandonne nécessairement l’imminence de la venue de Christ pour son Église, remplaçant une espérance réellement « à tout moment » par une attente repoussée à « après les signes ».
  • Il tend à aplatir les distinctions bibliques claires entre l’Enlèvement et le Second Avènement, en forçant des passages divergents à entrer dans un moule unique.
  • Il brouille souvent la distinction théologique entre Israël et l’Église, en faisant de tout langage sur « les élus » la désignation d’un seul et même peuple corporatif, et en plaçant ainsi l’Église dans des prophéties dont l’objectif principal est la purification et la restauration finales d’Israël.

Une lecture attentive et littérale de l’Écriture soutient un tableau différent : Christ enlèvera d’abord son Église pour la rencontrer dans les airs et la conduire dans la maison du Père, la délivrant ainsi de la colère eschatologique à venir. Après les jugements de la Tribulation et la conversion d’Israël et de nombreux païens, Il reviendra ensuite en gloire visible sur la terre avec ses saints pour juger les nations et établir son royaume millénaire.

Dans cette perspective, l’Enlèvement demeure une véritable bienheureuse espérance (Tite 2.13) – une attente purifiante et imminente, capable de façonner à juste titre l’espérance, l’adoration et l’endurance de l’Église dans le siècle présent.


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